Homélies et autres réflexions
14 Juin 2020
Depuis trois semaines nous célébrons des mystères essentiels de notre foi. La pentecôte, avec le don de l’Esprit qui nous donne la grâce de l’unité dans la diversité. Dimanche dernier, la Sainte Trinité, qui nous rappelle que le cœur du cœur de notre foi est la relation. Et aujourd’hui nous célébrons le mystère du don du corps du Christ. Ces trois parties d’un même tableau qui fait partie de notre identité.
Nous avons entendu dans la première lecture que pour rappeler la sollicitude de Dieu envers son peuple, Moise fait mémoire. Je pense que cette parole adressée au peuple d’Israël, résonne de manière beaucoup plus intense pour nous aujourd’hui : « souviens-toi de la longue marche que tu as faite (…) dans le désert. Le Seigneur ton Dieu te l’a imposée pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur. » Pendant les semaines de confinement, nous avons été, doublement privés du corps du Christ : le corps du Christ réel et substantiellement présent dans l’Eucharistie ; et le corps mystique du Christ que nous formons en tant que communauté ecclésiale, célébrante. Bien évidemment, la pandémie n’est pas une malédiction de Dieu. Mais elle était et elle reste le désert que nous traversons. Nous avons touché notre pauvreté. Nous avons éprouvé le besoin de l’autre, de la communauté, de Dieu présent dans l’Eucharistie.
Lorsque Jésus dit « le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde », il est entrain de nous révéler que c’est sa propre vie qu’il donne. Il donne pour que nous entrions avec lui dans la vie éternelle. L’eucharistie est la jonction entre ce qui est et ce qui sera. En se donnant dans l’Eucharistie et en demandant aux disciples de faire de même, le Christ fait de celle-ci un principe d’unité et de communion que les disciples ne comprennent pas tout de suite mais tout sera éclairé par la résurrection. Ce don qui a été fait par le Christ, lors du dernier repas aurait été un échec sans la résurrection. C’est un don donné sans retour! Et qui se donne sans cesse à chaque célébration eucharistique.
Mais le don de Jésus doit nous pousser à ce que nous entrions nous-mêmes dans une démarche de don et d’unité. Car le corps eucharistique du Christ, sa présence réelle, sans le corps mystique, le corps du Christ que nous formons, n’a aucun sens. Nous avons ressenti cela pendant la période de confinement. Nous avons été tous contents de pouvoir vivre la messe, par exemple, à travers les réseaux sociaux ou par la télé. Mais à un moment donné, nous nous sommes lassés, car la présence physique nous manquait. Ce Corps du Christ qui est l’Eglise ne peut l’être que parce que son principe d’unité est justement le Corps eucharistique de celui qui pour elle a donné sa propre vie.
Bien souvent, le débat autour de l’eucharistie, tourne autour d’une espèce de permis/interdits. Pour tel groupe, oui, pour un autre, non. En tombant là-dedans nous sommes complètement à côté de la plaque. Oui, il y a des dispositions à avoir pour recevoir l’eucharistie, selon la doctrine de l’Eglise, et selon le cheminement de chacun, mais ce n’est pas une question de permis/interdits. Et si nous prenons la mesure de ce que nous recevons, nous serions, chacun de nous, honnêtes envers nous-mêmes et envers les autres. Car a rien ne sert l’Eucharistie si nous ne sommes pas signes d’unité. A rien ne sert l’Eucharistie si nous la recevons comme un du. A rien ne sert l’Eucharistie si nous ne sommes pas capables de nous accueillir les uns les autres. De reconnaitre l’autre dans sa dignité. A rien ne sert l’Eucharistie si notre marche dans le désert ne fait pas bouger notre cœur. Et après cette traversée du désert, qu’est-ce qu’il nous reste ? Quel type de chrétien catholique voulons-nous être ? Lorsque nous communions nous recevons pour nourriture le corps du Christ Ressuscité, sa personne réelle, véritable, substantielle qui se donne par la relation qui s’établie entre la Personne du Christ et nous. Cette relation qui passe par nos sens, par notre existence concrète pour nourrir notre âme et nous donner la force pour la route. Et le sacrement de l’Eucharistie fait de nous le Corps mystique du Christ, elle donne sens à notre existence et nous entraine dans l’espérance de la vie future, où le Christ sera tout en tous !
Rendons grâces pour ce beau mystère et laissions-nous transformer en profondeur par lui.
(Dt 8, 2-3.14b-16a ; Ps 147 ; Cor 10, 16-17 ; Jn 6, 51-58)