homélies et autres réflexions
14 Novembre 2020
L’Eglise fait mémoire en ce jour de ceux qui sont à l’écart. Visiblement cachés. Les pauvres. Faire mémoire c’est rendre présent. Nous rendons présents aujourd’hui ceux par qui Dieu nous invite à l’essentiel: faire grandir notre charité ! Cette charité active qui ne consiste pas seulement à faire un chèque ou un don (ceci est déjà très bien) mais surtout, cette charité qui nous pousse à aller vers, à la rencontre. Aujourd’hui nous sommes mis en face de nos propres pauvretés. Et cela nous fait peur ! Comme le troisième serviteur de la parabole que nous avons entendu. Cela nous fait peur car tout cela nous dépasse et nous oblige à quitter notre si confortable monde individualiste, qui nous donne de la sécurité, pour entrer dans l’insécurité d’une relation. Parfois, d’une relation à reconstruire, qui nous mettent en face de nos talents les plus précieux, ces dons que Dieu a déposé dans le cœur de chacun de nous et qui nous demande des comptes « selon nos capacités » : la Foi, l’Espérance et la Charité.
Ces dernières semaines, face à l’impossibilité de célébrations publiques des messes, nous ressentons un sentiment d’injustice, de solitude, de manque. Cependant, si nous sommes privés d'Eucharistie nous ne le sommes pas du Christ. Il continue à se donner. Par sa Parole, si méconnue à certains égards. Il se donne à travers le pauvre, abandonné et oublié, de qui nous détournons souvent notre regard en refusant la relation. Il se donne à travers les autres que nous croisons et qui peuvent repartir encouragés, grandit, si nous sommes témoins de l'Espérance ; mais bien souvent ils repartent attristés ou angoissés par notre manque de délicatesse, de fraternité ou de compassion. Le Christ se donne encore lorsque nous fermons nos yeux et lui parlons dans la prière. Parfois aride, mais persévérante ! Le Christ se donne toujours !
Cette parabole nous invite à la confiance. D'abord à l'Esprit Saint qui souffle là où il veut et agit dans le secret. À la confiance envers l'Eglise, à travers ses ministres. À la confiance envers ceux qui mettent en œuvre tant de choses pour prendre soin de notre humanité si blessée. Et au risque de vous choquer, je crois que vouloir réduire l'action de Dieu dans le monde et dans notre propre cœur à l'eucharistie sacramentelle c'est enterrer tous les autres trésors que le Seigneur même nous a donné pour le rencontrer.
Combien de fois je suis allé voir un pauvre, qui est seul, qui a besoin qu'on prenne soin de lui? Pas assez. J'en suis certain. En revanche, combien de fois j'ai cédé à la critique facile, au commérage, parce que certains ne font pas ce que je désire... beaucoup trop, j'en suis sûr. Et en le faisant, j'enterre le talent de la compassion, de la miséricorde. Le talent de la charité que Dieu lui-même a déposé en moi. Vouloir être du côté de ceux qui sont privilégiés c'est aller dans le sens de l'esprit du monde que nous voulons tant combattre. Et ainsi tomber dans le même piège que nous dénonçons. Oui. Il y a de la souffrance parce que nous sommes privés de l'eucharistie à cause du confinement. Cette souffrance est vraie. Justifiée. Douloureuse même. Oui, nous sommes blessés. Mais ce n'est pas seulement nous, les chrétiens de France qui souffrons. L'humanité entière est en souffrance. Regardons ce que le Seigneur a déposé en nous. Quittons l'esprit de désolation qui ne vient pas de Dieu. Et demandons la grâce d'entrer dans un esprit d'espérance. De conversion. Car c'est de cela dont il s'agit, au fond: de notre conversion personnelle. Accueillons notre pauvreté actuelle. Le Seigneur nous redit personnellement : « Serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup. Entre dans la joie de ton Seigneur. »
Ne mettons pas sous terre, par peur, les autres talents que le Seigneur a mis dans notre cœur qui nous rendent capables d'être des témoins de l'Espérance, à travers nos actes, pour ce monde blessé. Peut-être que notre part de souffrance c'est justement l'impossibilité temporaire de recevoir l'eucharistie. Mais la table de la Parole s’offre généreusement à chacun de nous ! Et là où il y a une messe qui est célébrée dans le monde, ses dons s'étendent vers le monde entier. Cela fait partie de notre foi. Personne ne peut nous l'enlever. Elargissons notre regard : l’humanité est au bord de la route en attente de consolation. Plus que jamais, chacun est appelé à prendre, avec courage et dans la confiance, la part de souffrance qui nous revient. Et faire cela ce n’est pas se laisser écraser, mais au contraire, c’est s’unir au Christ souffrant. Et montrer la grandeur de notre foi ! De notre charité créative ! Et de notre espérance consolante. C’est entrer sur le chemin qui mène, après le Calvaire, à la résurrection.