Homélies et autres réflexions
28 Mars 2024
|Ex 12, 1-8.11-14; Ps 115; 1Cor 11, 23-26; Jn 13, 1-15|
«Vous mangerai en toute hâte : c’est la Pâque du Seigneur. Je traverserai le pays d’Egypte ». Pour le peuple hébreu l’Egypte était le symbole même de la peur, du manque, de l’esclavage. Et voilà que le Seigneur tourne son regard vers ce peuple pour prendre sa défense. Il traverse le pays pour montrer que ce peuple lui appartient. Il y a quelque chose, à la fois, de précipité, et en même temps un calme dramatique dans ce récit. Ils doivent manger « en toute hâte » car le Seigneur va passer. Et dans cette traversée, Il leur montrera qu’ils ne sont pas seuls. Qu’ils peuvent affronter leurs peurs, leurs insécurités et que leurs cœurs peuvent trouver le repos de la consolation. Nous ne sommes plus en Egypte. Mais le Seigneur continue de traverser notre histoire. Et ce soir nous contemplons le début de la grande traversée de Jésus, non seulement pour un seul peuple, mais pour toute l’humanité. Cette traversée qui va aussi nous redire et nous montrer que nous sommes invités à lui faire confiance. Car s’il passe parmi nous c’est pour nous donner de cheminer avec lui !
Le soir où nous contemplons plus profondément le mystère de l’Eucharistie (et de l’institution du sacerdoce) la liturgie nous donne ce geste étonnant de Jésus. Il a voulu manger une dernière fois avec les siens. Et ici tout commence par le calme et se précipitera ensuite par l’arrestation de Jésus. Mais le maître a voulu prendre du temps avec ses disciples pour un dernier enseignement avant le drame de la Croix et la joie de la Résurrection.
L’évangile nous dit que Jésus « se lève, dépose son vêtement, et prend un linge… puis il verse de l’eau dans un bassin » et, ensuite, « se mit à laver les pieds des disciples. » Pour le grand étonnement de ses amis, plus particulièrement Pierre, Jésus pose le geste réservé aux esclaves, ceux qui étaient considérés comme des objets. Comme son peuple auparavant.
En s’abaissant pour laver les pieds de ses disciples, et en leur ordonnant de faire de même, Jésus nous met face à notre vérité comme chrétiens, c’est-à-dire, appelés à recevoir du Christ ce dont nous avons besoin pour notre traversée, pour ensuite, servir, donner et accueillir. C’est en accomplissant un geste réservé aux esclaves que Jésus nous a laissé l’exemple concret qu’il est constitutif de l’amour de se mettre au service. Il nous a appris et montré qu’aimer jusqu’au bout c’est se mettre devant l’autre comme celui qui sert. Aimer jusqu’au bout c’est se lever contre les injustices, déposer nos armes et notre orgueil et s’accueillir mutuellement comme disciples appelés à faire comme leur maître.
Le geste puissant et bouleversant du lavement des pieds précède celui de la Croix. Pour nous rappeler qu’aucun sacrifice ne porte du fruit s’il n’est pas porté par un amour qui se donne. Et cet amour donné, du Christ, nous est partagé par l’Eucharistie. Il se donne, Jésus, non pour que nous le gardions pour nous comme une propriété, mais pour que nous donnions à notre tour. Il se donne, Jésus, non pour que nous restions dans un entre soi confortable, mais pour que nous puissions servir ceux vers qui nous sommes envoyés car de la même manière qu’il n’y a pas d’Eucharistie sans abaissement, il n’y a pas d’amour véritable sans don de soi.
Nous allons revivre ce geste du lavement des pieds. Cela nous rappelle ce pourquoi nous sommes ici. Cela nous rappelle notre vraie mission comme chrétiens, disciples de Jésus. Que cela soit pour nous, ce soir, plus qu’un geste, mais la certitude que Jésus passe parmi nous, pour changer notre cœur. Jésus a déposé ses vêtements, déposons notre orgueil ; Il s’est levé pour servir, relevons notre tête pour entrer dans la vérité des relations ; Il s’est abaissé, inclinons-nous mutuellement devant nos frères et sœurs pour cheminer avec ! Il nous a demandé de faire de même, soyons alors porteurs de vie ! Car ce que nous vivons aujourd’hui est l’essence même d’être disciple : recevoir Jésus pour devenir serviteur par amour, et le recevoir c’est recevoir l’appel à aimer jusqu’au bout !