Homélies et autres réflexions
29 Juin 2020
« Pour vous, qui suis-je ? » Cette question de Jésus revient souvent à mon esprit. Emmanuel, pour toi, qui suis-je ? Depuis 6 ans, tous les 29 juin, je vis, de manière plus intense, l’exercice de « faire mémoire. » Mémoire de mon histoire avec le Christ et de son histoire avec moi. Mémoire de la toute première fois que je l’ai rencontré vraiment, et, sans savoir qu’il avait posé cette question à ses disciples, moi, je lui ai demandé : Jésus, qui es-tu ? Et je l’ai demandé parce que j’étais séduit par son regard, par sa présence réelle, par sa capacité à aimer, et à manifester son amour. Aimer de cet amour qui transforme, qui relève, qui guérit.
J’aime imaginer la surprise des disciples, et tout particulièrement de Pierre lorsque Jésus a posé cette question. Et je suis toujours étonné d’entendre la réponse de Pierre. Il avait « cerné » Jésus. Mais pas de manière intellectuelle ou superficielle. Il l’avait cerné parce qu’il s’est laissé toucher dans tout son être. Aussi bien son intelligence, que son cœur. Et cela parce qu’il avait compris par le vécu que cette question ne peut être répondue véritablement que si nous avons le courage d’aller au cœur de nous-mêmes. Si Pierre sait répondre à cette question de Jésus, c’est, bien évidemment, par l’action de l’Esprit Saint, mais pas seulement. C’est aussi parce qu’il s’est laissé toucher par l’Esprit. Parce qu’il connait Jésus et le reconnait comme son ami. Jésus est l’ami de Pierre et Pierre est l’ami de Jésus.
« Pour vous, qui suis-je ? » A cette question de Jésus, vient se greffer cette parole qui m’a toujours touché, que Jésus a dite à ses disciples, et que j’ai choisi pour mettre sur mon faire-part d’ordinations : « Je ne vous appelle plus serviteurs (…) je vous appelle mes amis. » Je n’aurais pas pu donner ma vie à Jésus, renoncer à tant de choses, si je ne l’avais pas comme un ami. Un ami qui a donné sa vie pour moi et qui me demande de faire de même : lui donner ma vie en la donnant aux autres. Un ami qui sait attendre, et en même temps, qui bouscule. Un ami qui accompagne.
Personnellement, je trouve que l’amitié est le don le plus précieux que nous avons reçu. Être ami c’est partager son univers à un autre et lui laisser partager le sien. C’est pouvoir être soi-même sans peur ni méfiance. C’est apprendre à grandir, à aimer, à être soi-même, tout simplement. Et c’est comme un ami que Jésus s’est présenté à moi. Ce Jésus qui reste si proche et en même temps, demeure un mystère. Ce Jésus qui est si présent et en même temps, si discret. Comme un ami. Ce Jésus qui m’apprend et me pousse à « donner ma vie. »
Je suis conscient que je suis en chemin. Que j’ai beaucoup de choses à apprendre. Que je dois encore me laisser transformer par le regard du Christ. Et j’essaie d’avancer à l’ombre de la croix, le geste suprême de l’amitié de Jésus envers moi. Car, même s’il est l’ami de tous, son amitié pour moi est unique ! Même s’il me demande de l’aimer par-dessus tout, il élargie mon cœur, non sans douleur parfois, pour apprendre à aimer ceux qu’il met sur ma route. Et c’est ainsi, par cette amitié avec Jésus, que le mystère de l’amitié est devenu le cœur de ma vie spirituelle, de mes aspirations, de mes désirs. Car ce même Jésus qui m’appelle « mon ami » m’apprend qu’il « n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. »
Et j’espère qu’un jour, chacun de nous, en ayant eu la grâce de ne jamais oublier qui est Jésus pour nous et qui sommes-nous pour lui, j’espère que nous pourront dire, comme Paul : « j’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. » « Pour vous, qui suis-je ? » Et moi, dans chaque Eucharistie, je dis dans le secret de mon cœur : Jésus, n’oublies pas que tu es mon ami.