18 Juin 2019
Hier matin j’ai fait une rencontre intéressante. A la sortie des baptêmes, j’ai rencontré deux jeunes musulmans qui étaient sur le parking à côté de l’église Notre Dame. La seule chose qu’ils connaissaient de l’Eglise c’était ce qu’ils voyaient des nous lorsque nous quittons une célébration. A la fin d’une discussion l’un d’entre eux m’a posé la question suivante : « monsieur, je n’arrive pas à comprendre comment pour vous Dieu peut être à la fois Dieu Créateur, Jésus et l’Esprit Saint. Et le tout étant UN seul Dieu. Vous comprenez, vous ? » Ma première réaction était de l’exposer philosophiquement et théologiquement comment nous concevons la Trinité, de le prouver que c’est possible et que nous ne sommes pas polythéistes. Finalement je n’ai pas pu répondre mais cette rencontre a nourri mes réflexions dans la journée.
Et je me suis rendu compte que c’était prétentieux de ma part de vouloir « expliquer Dieu. » De la même manière que je ne peux pas « expliquer » quelqu’un, dans le sens de « dire » ce qu’est la personne. Je ne peux pas non plus « expliquer » Dieu. Lorsqu’il s’agit de nous, la seule personne qui peut « se dire » c’est nous-même. Je ne peux pas arriver et affirmer avec certitude qui vous êtes. Je ne peux que m’approcher de ce que vous êtes, à partir de ce que je peux connaître de vous, ou de ce que vous, vous donnez à connaître. Mais je ne pourrais jamais vous « définir » complètement. Nous ne pouvons que nous approcher de ce qu’est l’autre. Ça ne veut pas dire que je ne peux pas dire quelque chose de l’autre. Mais jamais la totalité ! Avec Dieu, nous sommes dans le même cas. Je peux dire quelque chose de Dieu, mais jamais la totalité. Il y a toujours quelque chose qui nous échappe. Et c’est grave ? Puis-je alors dire que je ne suis pas croyant parce que je ne comprends pas tout ? Non. Bien sûr que non. Et c’est cela que nous appelons « le mystère. »
Mais pas le mystère qui se cache complètement. Et c’est là le paradoxe. C’est un mystère qui se donne à voir, mais qui ne se laisse pas emprisonner. Nous ne pouvons pas avoir une emprise sur le mystère, mais nous pouvons le toucher, le sentir, le vivre, le reconnaitre. La Trinité, ce Dieu trinitaire que nous adorons, n’est pas un inconnu ni un Dieu distant. Mais c’est le Dieu qui est tout proche. Qui est, à la fois, au-dessus de nous, à côté de nous et en nous. Et comment toucher à ce mystère ? Le point de départ peut être nous-mêmes. Qu’est-ce qui peut dire ce qu’est l’être humain ? Le point de départ par lequel nous pouvons, justement, nous reconnaître « humains » ? Nous pensons tout de suite, à notre capacité à aimer. C’est vrai ! Mais pour que l’amour soit mis en pratique, il faut que nous soyons en relation. Donc, le point de départ de tout ce que nous pouvons vivre, c’est notre capacité à entrer en relation. Et la relation n’est pas simplement être les uns à côté des autres ou partager quelques points en communs. La relation c’est la capacité d’être les uns avec les autres. Or, nous croyons que nous sommes créés à « l’image et à la ressemblance de Dieu », donc, nous disons quelque chose de Dieu en nous puisque nous portons en nous son image et sa ressemblance. Par nos attitudes, notre manière d’être, nos capacités… nous disons quelque chose de Dieu. Et Dieu se fait connaître à travers nous. Donc, si la relation est au cœur même de notre vie. Cela dit alors quelque chose du mystère de la Trinité.
La Trinité, ne s’explique pas, elle se vit ! Elle se vit parce que Dieu est avant tout, relation ! Et il veut entrer en relation avec chacun de nous. Et cette relation est appelée à s’ouvrir. A s’ouvrir à ceux qui sont autour de nous. Et donc, vivre de ce Dieu trinitaire c’est se rendre compte que cette force de vie qui est en moi vient de ce Dieu qui est Esprit Saint. Que ce désir de me donner aux autres, vient de ce Dieu qui est Père. Et que la capacité de me mettre au service et de donner ma vie, vient de ce Dieu qui est Fils. De ce Dieu qui se manifeste à chacun de nous et par chacun de nous !
Je reviens donc à mes copains musulmans. Je n’ai pas pu leur expliquer la Trinité. Mais eux, par une simple question m’ont montré ce qui n’est pas, pour le chrétien, une vie en relation avec le Dieu Trinitaire, ou avec ce Dieu-relation : « monsieur, pourquoi, m’ont-ils demandé, lorsque les personnes quittent votre église, souvent elles font la gueule et elles ne nous disent même pas bonjour ? On dirait même qu’elles ont peur ! » Et là, je me suis pris une claque et je suis rentré à la maison en me disant que vivre dans cette amour trinitaire c’est vivre dans la dynamique de l’ouverture, de la bienveillance, de l’accueil, du don. Mais jamais dans l’indifférence. Et que nous avons beaucoup à grandir et à apprendre avec Dieu. Et que la Trinité se vit dans la relation même que nous avons avec Dieu et qu’elle s’incarne, en quelque sorte, dans les relations que nous avons les uns avec les autres. Dieu nous met ainsi en mouvement. En sortie ! Et nous pouvons, bien sûr, avoir des moments où ça ne va pas. Où on est de mauvaise humeur ou même découragés ! Mais Dieu a besoin de nous pour que nous puissions témoigner de son amour et de son désir d’être en relation avec tous !
Comment expliquer la Trinité ? Je ne le sais pas ! Mais nous savons tous comment témoigner de la présence de ce Dieu-relation. Et bien souvent, face au mystère qui se donne à connaitre, il nous faut faire silence et contempler ! Et par la contemplation nos visages peuvent devenir image du visage même de Dieu, de ce Dieu-relation qui se donne à connaître. Ce que j’ai appris hier c’est qu’un simple bonjour ou un simple sourire peuvent témoigner de la Trinité qui agit en nous.
(Pr 8, 22-31 ; Ps 8 ; Rm 5, 1-5 ; Jn 16, 12-15)