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Homélies et autres réflexions

Le blog du père Emmanuel

Homélie pour le 3ème dimanche de Pâques|Année A|2020

Quoi de plus banal que de rencontrer quelqu’un sur la route lors d’une promenade ? Ce qui n’est pas banal, en revanche, c’est que le marcheur, inconnu jusqu’alors nous demande : « de quoi discutez-vous tout en marchant ? » C’est cette question de Jésus, posée aux deux disciples, qui leur permettra de revisiter leur propre histoire récente et de passer de ce dont ils ont été les témoins (la Passion et la mort de leur maître) à ce que Dieu a réalisé véritablement. En d’autres termes, la rencontre avec Jésus permettra aux disciples de passer du phénomène de la passion, mort et résurrection (de l’évènement), à la réalité de cet évènement, dans le concret de leurs vies. Comment cela vient questionner leurs propres existences et leurs permet de plonger dans l’action même de Dieu ? Ou pour dire autrement, encore : passer du phénomène, qui est extérieur, à la réalité de la présence intérieure.

Et pour cela, nous voyons, dans cette page d’évangile trois actions principales : marcher, parler et écouter. Le propre de la marche c’est de provoquer un déséquilibre. Subtil. Mais important, car sans lui, nous ne pouvons pas avancer. Et ce déséquilibre est pour la marche ce que le récit est pour la compréhension de notre vie. Verbaliser ce que nous vivons nous permet d’entrer dans notre propre histoire. De passer de l’extérieur à l’intérieur. Et pour cela, il nous est nécessaire de rencontrer une oreille attentive. Les trois pèlerins d’Emmaüs ont vécu cette expérience. Par l’écoute attentive de Jésus et de sa Parole, les deux disciples sont entrés dans leurs propres histoires. Tandis que Jésus est entré définitivement dans leur vie.

Au début Jésus arrive comme un inconnu dans la marche de ces deux disciples. A la fin, il est invité à y rester. Ils auraient pu passer les uns à côtés des autres. Tout un chemin parcouru ensemble, sans vraiment se connaitre ou sans le désir de se connaitre. Mais quelque chose les incitait à dire à cet homme : reste avec nous ! Demeure avec nous. Nous voulons te connaitre davantage. Peut-être, te voir tel que tu es. Et c’est grâce à cette démarche, aussi osé que la question de départ de Jésus, que les disciples ont pu reconnaitre que celui-là même qui s’est intéressé à leur vie et à leur histoire, est celui qu’ils ont suivi et aimé. En Jésus, Dieu se fait proche. Il entre dans notre histoire à chacun et il rend vie à nos destins quotidiens. En Jésus, Dieu vient écouter la réalité profonde de nos vies, et non seulement il vient l’écouter, mais il nous apprend à notre tour à écouter. Il nous permet de quitter la zone du phénomène pour oser « faire route. » Nous mettre en marche avec lui.

A la fin, une fois que Jésus est reconnu il disparait à leurs yeux. Il n’est plus le troisième personnage. Et cela parce que les disciples sont passés du phénomène extérieur de tous qui s’est passé, à la réalité concrète de leurs vies. Jésus est passé de « celui qu’ils pouvaient voir » à « celui avec qui ils vivent ». Et c’est grâce à cela, que les disciples reprennent la route, en pleine nuit, mais avec le cœur illuminé, pour annoncer que le Christ est ressuscité. C’est ce schéma-là, de passage du phénomène extérieur, à la réalité intérieure, que nous voyons chez Pierre. Il n’est pas resté sur son reniement ni sur le fait d’avoir abandonné Jésus pendant sa passion, mais il est entré dans le dynamisme de la force de la résurrection. Il s’est laissé réinterroger et émouvoir par le Seigneur. Il s’est laissé mouvoir par l’Esprit Saint. Et il a osé marcher à la suite de celui qui lui a redonné la vie.

Car Jésus, lui, ne reste jamais sur le phénomène extérieur. Ce qui l’intéresse c’est notre vie. Et aujourd’hui encore il s’intéresse à chacun de nous. Là où nous sommes. Et dans ce que nous traversons ensemble, comment pouvons-nous passer du phénomène extérieur et entrer dans la réalité de choses, avec lui ? Comment pouvons-nous nous laisser transformer par lui? Encore aujourd’hui Jésus s’intéresse à notre histoire.  Et il fait route avec nous. Mais nous pouvons le voir simplement comme quelqu’un qui a croisé notre chemin. Où nous pouvons oser lui demander : reste avec nous ! Demeure avec nous ! Nous voulons te connaître davantage ! Viens participer à notre vie ! Nous voulons te reconnaître à la fraction du pain. Nous voulons te reconnaitre sur le visage de ceux que nous sont donnés à aimer. Nous voulons te reconnaître au cœur même de notre existence. Nous voulons aussi dire à notre tour « notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Ecritures ? »

(Ac 2, 14.22b-33 ; Ps 15 ; 1P 1, 17-21 ; Lc 24, 13-35)

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