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homélies et autres réflexions

LE BLOG DU PERE EMMANUEL

Homélie pour les funérailles d'un jeune

|Job 19, 1.23-27a ; Ps 129 ; Mt 5, 1-12|

Cette homélie a été difficile à préparer. Non seulement parce que, par essence, la mort est un événement qui nous dépasse, qui nous fait toucher la réalité humaine la plus incontestable, celle de la finitude. Mais aussi, difficile, parce que nous sommes face à l’incompréhensible, face à l’indicible. Face au drame dans ce qu’il a de plus douloureux.

En relisant les lectures choisies par la famille pour cette célébration. Et juste avant de commencer à préparer l’homélie, j’ai reçu un message d’une amie, avec une citation que je vous partage : « L’espérance est une sorte d’appel, de recours éperdu à un allié qui est amour, lui aussi.[1] » Je me suis dit, contre toute attente, pour plus que cela semble contradictoire ou paradoxal, il nous faut parler de l’Espérance. Les lectures que nous venons d’entendre, nous posent à la fois, face à l’humain, avec son poids de souffrance ; et face à Dieu, avec son regard de miséricorde. Dans le livre de Job, nous sommes témoins de la foi de cet homme qui a tout perdu mais qui est resté attaché à son Seigneur; dans le psaume, nous entendons les cris d’angoisse, qui sont les nôtres, face à l’épreuve, et, la certitude que Dieu ne nous abandonne pas ; et dans l’évangile, notre cœur est tourné vers l’éternité. Vers ce qui est et ce qui sera. Toutes ses lectures nous mettent devant nos angoisses et nos solitudes et, en même temps, elles nous tournent vers l’Espérance.

Chaque fois que nous entendons le mot « heureux » dans l’évangile des béatitudes nous touchons le paradoxe même de notre marche sur cette terre. Il ne s’agit pas ici de ce bonheur-bien être véhiculé de partout, que nous essayons d’avoir, mais il s’agit de la capacité qui nous est donnée d’avancer, de continuer, le regard fixé sur le Christ, le rédempteur qui est vivant. Et c’est parce qu’il est vivant, le Christ, que nous pouvons regarder le drame que nous traversons avec les yeux de la foi.

Dieu nous appelle à aimer, à faire de notre vie un don. Mais il sait que nous sommes confrontés constamment au mal, à la souffrance, à la solitude, et bien souvent, malgré nous ! Il sait que nous menons parfois de combats intérieurs qui nous semblent insurmontables, comme celui de Job. Et il combat avec nous. Son amour et sa miséricorde ne sont pas menés par nos actes. Dieu fait ce qui bon lui semble puisqu’il est infiniment libre. Et il le fait, toujours, guidé par son amour infini pour chacun de nous. Le geste définitif de Pierre* demeure pour nous, incompréhensible. Mais il ne définit pas l’action de Dieu. Nous pouvons être tentés de nous questionner. De nous dire que nous aurions pu faire un peu plus, parler un peu plus, aimer un peu plus. Et nous allons juste nous enfoncer dans la culpabilité destructrice qui nous mène dans nos ténèbres. Et oublier que nous sommes appelés à entrer dans la foi, qui nous mène à l’Espérance.

Nous pouvons avoir, parfois, la tentation de croire que la foi nous épargnerait les souffrances et les difficultés de la vie. Nous pouvons avoir aussi parfois la tentation que croire en Dieu, ou sa simple existence, seraient un antidote magique contre le mal, le mal extérieur et le mal intérieur. Et face à ce que nous vivons aujourd’hui, certains peuvent même se demander, mais où était-il, le bon Dieu ? La foi n’est ni un acte magique ni la garantie que tout ira bien. Mais elle donne sens à chaque chose que nous vivons et traversons. Pas un sens pour justifier telle ou telle action, ou pour que nous nous résignions. La résignation n’est pas la foi !  La foi nous donne le sens profond qui nous permet d’avancer : elle nous fait entrer dans l’Espérance. Cette Espérance qui tourne notre regard sur l’éternité où seul Dieu est maître et juge. Cette éternité qui nous a été promise à chacun et conquise définitivement pour nous par le Christ, par son sacrifice sur la Croix. Et par la victoire du Christ sur la mort, il ne nous revient pas à nous la tâche de juger. A nous, revient la tâche de prier pour entrer dans cette Espérance qui nous est donnée par la foi. A nous renvient la tâche de faire confiance en la miséricorde infini de Dieu. A nous, revient la tâche d’être profondément humains et de laisser Dieu être profondément, Dieu.

A nous, il nous revient la tâche de continuer notre chemin, en nous habituant à l’absence de celui qui est parti. En laissant monter en nous la douleur et le chagrin, si nécessaire ; et pour plus déplacé que ça puisse paraître, à nous, ils nous renvient la tâche de continuer notre chemin en nous permettant de vivre. Mais de vivre avec le regard fixé sur le Christ. Avec le cœur ancré dans son amour. Et avec la certitude qui nous est donné par la foi que, malgré les apparences, la vie triomphe toujours ! Et la foi nous affirme qu’espérer « c’est porter en soi l’assurance intime que, quelle que puisse être les apparences, la situation intolérable qui est présentement la mienne ne peut pas être définitive, elle doit comporter une issue[2] » car « près du Seigneur est l’amour, près de lui abonde le rachat.[3] »

* Par respect pour les proches, le prénom du jeune a été modifié.

 

 

[1] Gabriel MARCEL. Tu ne mourras pas. Paris. Arfuyen 2005.

[2] Ibidem.

[3] Psaume 129.

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